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Vauban Sessions — 6e edition

COMMANDER A L’ÈRE DE LA HAUTE INTENSITÉ

VISION 2030
29-30 MAI 2024

Vauban Citadelle, Lille, France

La 6e édition des Vauban Session, qui s’est tenue à Lille les 29 et 30 mai dernier, avait pour thème Le commandement à l’ère de la haute intensité : vision 2030. Organisée par le Corps de Réaction – Rapide, France (CRR-FR) et Forward Global, cette conférence s’est déroulée sous le patronage et en présence du chef d’état-major de l’Armée de Terre, le général Pierre Schill. L’événement a rassemblé des représentants de l’OTAN, de l’Union européenne (UE) et des forces armées nationales pour deux jours d’échanges intenses sur la transformation du C2 en réponse aux exigences des conflits de haute intensité. 160 participants de 16 pays de l’OTAN, dont une quarantaine d’officiers généraux et une soixantaine d’officiers supérieurs ont assisté à cette nouvelle édition. La présence de hauts gradés et d’experts souligne l’importance d’adapter les stratégies et les structures du commandement militaires aux évolutions des théâtres. Cette édition a aussi pu avoir lieu grâce à nos partenaires Helsing, Dassault Systèmes, ELIKA TEAM et S&D Magazine.
La complexité croissante des environnements opérationnels exige que les programmes de développement tiennent compte d’une myriade de nouveaux défis et variables techniques.

Cette 6e édition a abordé les thèmes suivants : repenser la planification opérationnelle pour la haute intensité, le C2 à l’épreuve de la haute intensité et de « l’hyperdestructivité » ou encore l’hybridité des postes de commandement et la modularité du C2. Le nécessaire alignement entre développement capacitaire, innovation et besoins opérationnels a aussi été mis en évidence, soulignant la nécessité d’intégrer les technologies de pointe. Le rôle des technologies 2 numériques dans la formation et l’entrainement a également été abordé, en mettant l’accent sur les défis et les contraintes que ces avancées posent pour la préparation militaire.

Mettant en évidence les évolutions de la guerre moderne, marquée par le retour de la haute intensité, les intervenants ont souligné l’importance disposer de liens solides entre les différents domaines et effecteurs dans l’organisation des structures du C2 et le besoin d’adaptabilité et de résilience des systèmes de commandement pour maintenir une pleine capacité de combat lors d’engagements prolongés. Les intervenants ont mis l’accent sur la nécessité de repenser la planification opérationnelle afin d’obtenir des résultats immédiats et efficaces.

Ont également été abordé les défis de la phase 0, en mettant l’accent sur la nécessité d’une organisation et d’un déploiement efficace des forces. A cet égard, la modernisation des équipements et des capacités est cruciale pour garantir aux unités la capacité d’opérer dans tous les environnements et toutes les zones de conflit. Ce qui s’appuie sur le juste équilibre entre, d’une part, équipements moyens et lourds et, d’autre part, l’adoption et l’intégration des technologies émergentes qui ont déjà un impact tangible sur l’ensemble des fonctions du C2.

  1. Enseignements tirés des conflits actuels : des structures et une organisation du C2 plus mobiles, modulaires et résilientes

En Ukraine, les domaines maritime et aérien ont été mutuellement neutralisés par les belligérants, faisant du domaine terrestre la principale scène de conflit. Les risques d’un affrontement symétrique mettent en évidence l’absence de sanctuaire pour les C2 dans la profondeur. Les premiers RETEX ont mis en évidence à la fois l’importance et la vulnérabilité des postes de commandement (PC). Les PC ukrainiens sont une cible privilégiée : il faut en moyenne moins de 15 minutes aux forces russes pour frapper un PC après sa découverte. Les principaux défis pour les PC sont donc la survie mais également le maintien des communications. Un défi d’autant plus difficile que le champ de bataille est de plus en plus « transparent », principalement en raison de l’utilisation massive de drones ou de satellites d’observations civiles ou militaires. Pour améliorer leur survie, les PC doivent adopter des structures organisationnelles agiles et réactives, ainsi que des tactiques autres que le camouflage traditionnel.

Les premiers RETEX ont mis en évidence à la fois l’importance et la vulnérabilité des postes de commandement (PC). Les PC ukrainiens sont une cible privilégiée : il faut en moyenne moins de 15 minutes aux forces russes pour frapper un PC après sa découverte. Les principaux défis pour les PC sont donc la survie mais également le maintien des communications. Un défi d’autant plus difficile que le champ de bataille est de plus en plus « transparent », principalement en raison de l’utilisation massive de drones ou de satellites d’observations civiles ou militaires. Pour améliorer leur survie, les PC doivent adopter des structures organisationnelles agiles et réactives, ainsi que des tactiques autres que le camouflage traditionnel.

L’Ukraine a également rappelé le rôle crucial de la guerre électronique et la dépendance quasi exclusive du C2 à l’égard des systèmes de communication civils (principalement Starlink). Les informations tactiques sont fréquemment transmises via les réseaux 3G/4G. Ces outils contribuent à offrir une connaissance du terrain et une communication efficace sur le champ de bataille. Ce ne sont plus de simples agrégateurs de tâches, mais des outils adaptables et adaptés à tout types de missions. Les forces ukrainiennes illustrent cette capacité d’adaptation en développant divers outils de C2 capables de gérer différents signaux, y compris le Wi-Fi. Cette flexibilité est cruciale dans les combats modernes, où les systèmes doivent souvent être reconfigurés en permanence pour limiter les frappes et les destructions. Les forces ukrainiennes s’appuient également sur des communications non cryptées via des applications de messagerie sécurisées sur tablettes, facilitées par le solide soutien des États-Unis contre les cyberattaques. Ce soutien a notamment permis d’éviter un « Pearl Harbor » cyber.

L’agilité des outils C2 ukrainiens tels que Delta, développés rapidement pendant le conflit, souligne la nécessité de frapper fort et tôt pour éviter une attrition prolongée, en utilisant un mélange de ressources de faible et de haute technologie pour parvenir à une saturation et à une pénétration stratégiques.

Le retour des conflits de haute intensité met en exergue la nécessité de cycles décisionnels (OODA) rapides et d’une transmission précise du renseignement.

  1. Assurer l’évaluation et la viabilité des C2 des Alliés dans un environnement de plus en plus complexe

    Dans ce contexte opérationnel et technologique de plus en plus complexe, les C2 des pays de l’Alliance atlantique doivent évoluer pour rester efficaces. Cette évolution nécessite l’intégration de nouveaux outils et de nouvelles technologies au sein même des processus de planification existants. Cela passe aussi par l’harmonisation des plans nationaux. La prolifération des opérations multidomaines (qui englobent les domaines de la cybernétique, de l’espace et de l’information en plus des composantes air / terre / mer) exige une approche pragmatique mettant l’accent sur l’adaptabilité et la flexibilité.

    Le contexte actuel offre aux Alliés une excellente occasion de repenser les cadres de leurs C2 dont les systèmes doivent évoluer vers plus de résilience et d’interopérabilité pour devenir multi-domaines et multichamps (M2MC). Un modèle de C2 distribué (par opposition à un bloc unique), permettra à l’OTAN de disposer de forces complémentaires les unes par rapport aux autres, agiles et résilientes. La plus grande transparence du champ de bataille exige des structures de commandement simplifiées, alors que la tendance actuelle est à des quartiers généraux de plus en plus vastes, pris dans des volumes d’information considérables, ralentissant la prise de décision.

    Il est ainsi essentiel de réduire la taille des PC tout en garantissant des capacités de soutien efficaces. Trouver le bon équilibre entre les structures de commandement distantes et déployées permettra de maintenir la cohérence opérationnelle. Les structures de commandement doivent être résiliantes, avec des éléments C2 dispersés pour éviter la détection et assurer la continuité opérationnelle. Cela implique de favoriser une culture de l’agilité et de développer des modèles de C2 sur mesure pour répondre à des situations spécifiques.

    Cette plus grande modularité ne doit pas se faire au détriment de l’interopérabilité au sein de l’Alliance qui reste primordiale. Atteindre le niveau d’interopérabilité requis des C2 garantit la cohésion des opérations malgré la diversité des moyens nationaux engagés. Au sein même de chaque armée nationale, la dispersion des forces renforce la résilience en cas d’attaques soutenues et la délégation de la prise de décision à des niveaux inférieurs est essentielle pour maintenir l’agilité. Toutefois, il faut pour cela surmonter les défis culturels au sein des hiérarchies militaires et améliorer les processus de prise de décision.

    1. Transformation du C2: la puissance de l’IA pour de systèmes centrés sur la donnée

    L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les systèmes C2 est à la fois une opportunité et un impératif nécessitant une approche pragmatique et progressive. De nombreux pays, occidentaux notamment, mettent déjà l’IA au service de leurs forces armées.

    Cette technologie est essentielle pour permettre plus d’interopérabilité dans des environnements opérationnels et informationnels complexes. Pour autant, cela nécessite un examen attentif du niveau d’autonomie accordé aux systèmes d’IA, en particulier dans le contexte de la planification militaire. La profonde transformation du domaine militaire, induite par la convergence d’une puissance de calcul accrue, de connexions à haut débit et de nouvelles fonctionnalités d’application, souligne la nécessité d’intégrer de manière maitrisée l’IA dans les processus de C2.

    L’adoption de technologies avancées est essentielle pour améliorer l’efficacité opérationnelle et maintenir une supériorité stratégique. L’IA peut accélérer la prioritisation, la gestion et la diffusion des données, en veillant à ce que les bonnes informations parviennent au bon endroit et au bon moment. Pour l’OTAN, le défi consiste à intégrer efficacement l’IA dans ses structures de commandement et à garantir la fiabilité de ses données et de ses modèles.

    Les applications potentielles de l’IA au coeur même de la chaine de planification mais également de ciblage et de destruction des unités ennemis illustre son impact transformateur sur les systèmes C2. Au fur et à mesure de son évolution, l’IA jouera un rôle essentiel dans la création de structures de commandement plus agiles, plus réactives et plus efficaces appelés de leurs voeux par l’ensemble des participants. Cette transition nécessite non seulement des avancées technologiques (puissance de calcul), mais aussi des adaptations culturelles et structurelles au sein des organisations militaires afin de tirer pleinement parti des avantages de l’IA pour un C2 augmenté.

    1. Besoins opérationnels et capacitaires : innovations et synergies civilo-militaires

    La complexité croissante des environnements opérationnels exige que les programmes de développement tiennent compte d’une myriade de nouveaux défis et variables techniques. Les logiciels sont aujourd’hui au coeur des systèmes militaires. Ils ne se contentent plus uniquement de coordonner des tâches, mais deviennent un ensemble modulaire d’outils. Cette adaptabilité est illustrée en Ukraine, où le logiciel de beaucoup de drones est mis à jour toutes les six semaines pour contrer l’évolution des tactiques de l’adversaire.

    Historiquement, les architectures et systèmes fermés ont entravé l’agilité des forces armées au sein de l’OTAN. Pour surmonter ces obstacles, il est essentiel de passer à des solutions hybrides civilo-militaires. Des technologies civiles existent notamment en matière de camouflage numérique ou pour la mise en place d’architectures ouvertes. L’adoption de telles technologies pourrait permettre d’accélérer les boucles décisionnelles et d’obtenir des solutions adaptées aux nouveaux besoins opérationnels. Naturellement le décalage entre le développement des capacités militaires sur le long terme et les cycles courts des évolutions technologiques pose un défi de taille.

    Répondre à la nécessité d’accélérer et de simplifier les processus de développement tout en garantissant la robustesse des programmes à long terme est un exercice d’équilibre délicat. Il est essentiel de ne pas opposer ces deux approches, mais plutôt de trouver les moyens de leur intégration harmonieuse. Les conflits récents ont démontré qu’il est contre-productif d’investir massivement dans du matériel de grande taille à la manoeuvrabilité réduite, car il est difficile de disperser ces ressources et de les rendre agiles.

    Les processus d’acquisition devraient cesser de se concentrer uniquement sur les systèmes d’armes traditionnels, tels que les chars et les navires, pour mieux intégrer des solutions numériques modernes.

    L’innovation dans le domaine militaire va au-delà des avancées technologiques, mais englobe également l’innovation conceptuelle. La collaboration avec l’industrie est vitale, en considérant cette dernière comme un domaine clé et en l’impliquant dans la planification amont. Il est essentiel d’élaborer des feuilles de route technologiques et des stratégies d’innovation qui intègrent des produits informatiques COTS («commercial off-the-shelf») dans les opérations militaires. En encourageant la synergie civilo-militaire et en adoptant des innovations technologiques et conceptuelles, l’armée peut s’adapter aux évolutions des besoins opérationnels et développer des capacités qui permettent de relever les défis de la haute intensité.

    Toutefois, la dépendance croissante et la volonté de capter les capacités civiles doivent être envisagées avec prudence afin de garantir la sécurité et l’intégrité des C2. L’OTAN oeuvre actuellement pour affiner ses mécanismes capacitaires et répondre efficacement à ces deux impératifs.

    La 6e session Vauban a mis en évidence le besoin pressant d’adapter voire de transformer les structures de commandement et de contrôle pour répondre aux exigences des conflits de haute intensité. Les intervenants ont souligné l’importance de développer des C2 modulaires, résilients et agiles, s’appuyant sur des technologies avancées au premier rang desquelles figure l’IA. Les enseignements tirés du conflit en Ukraine ont mis en évidence la nécessité d’une prise de décision rapide, d’un partage efficace de l’information et d’une capacité accrue de survie des PC pour faire face à la transparence croissante du champs de bataille. Dès aujourd’hui, l’accélération des synergies civilo-militaires et une approche pragmatique du développement capacitaire sont essentielles pour que les forces armées des Alliés puissent maintenir leur supériorité et un haut niveau de préparation opérationnelle dans le contexte évolutif de la guerre.